Situation de l’apiculture face aux insecticides systémiques

  • EN ITALIE

L’Italie est un des premiers producteurs de maïs européens avec plus de

1.100.000 ha de maïs, cultivés dans les 5 régions de la « pianura

padana » du nord, au pied des Alpes, depuis la côte ouest jusqu’à

l’Adriatique. C’est dans cette région à maïs qu’ont eu lieu les

dépeuplements et les pertes de ruches, massivement, lors du semis de

printemps. L’ UNAAPI estime à 10.000 , en 2007, et plus de 50 000 en

2008, le nombre de ruches depeuplées.

Au départ, les autorisations pour les insecticides en traitement de

semences (thiamethoxam, imidaclopride, clothianidine) avaient été

accordées sur betteraves, maïs, pommes de terre. Suite aux mortalités

dans les ruchers, le Ministère de la santé, le 17 septembre, a suspendu les

autorisations sur toutes les cultures, mais le décret par lequel il l’a fait

comportait des erreurs juridiques. Afin de maintenir de bons rapports avec

les organisations agricoles, les apiculteurs ne se sont pas opposés à la

réouverture en novembre par le Ministère des autorisations sur betteraves

et pommes de terre.

Depuis les molécules utilisées en traitement de semences sont

toujours suspendues sur maïs. Bayer CropsSciences a pris le meilleur

bureau d’avocats d’Italie pour demander 15 millions d’euros de dommages

pour les pertes subies ! Bayer, BASF et Syngenta plaidaient notamment

que le lien entre les pertes et les insecticides n’étaient pas prouvés. Le

premier jugement par le Tribunal administratif de Rome -TAR- au mois de

novembre a débouté les compagnies dans un arrêt où, entre autres, il

estime l’intérêt des abeilles supérieur à l’intérêt privé des firmes et

où il dise que le lien de causalité existe. Le jugement suivant au mois de

décembre au Conseil d’Etat italien a de nouveau rejeté les firmes, sauf

pour l’obligation au Ministère de la Santé de fixer une date de terme a la

suspension. L’affaire sera traitée sur le fond au printemps prochain.

Les apiculteurs italiens sont très satisfaits de l’arrêt du Conseil

d’Etat et ils ont la chance d’avoir pu s’appuyer sur des chercheurs

honnêtes.

Mme Sabatini, responsable de l’Institut technique apicole italien a dit que

scientifiquement, la contamination par ces molécules en 2008 était

certaine. En outre, un professeur de l’Université de Padoue a fait

une recherche dans laquelle il a mesuré la quantité de principe

actif dans l’exsudation par les feuilles de maïs. L’exsudation se

produit en cas de chaleur et humidité (eau dans le sol), et l’étude

dit que l’eau ainsi exsudée est à ce point contaminée, qu’elle tue

toute abeille par contact ou par voie orale instantanément.

Les habitants des territoires concernés ont constaté une disparition

complète des insectes : dans les territoires où ils avaient du maïs on n’a

pas fait du miellat (metcalfa). Metcalfa a été vu en début de saison mais a

disparu d’un jour à l’autre.

Des essais ont eu lieu sur les semoirs. Le centre de recherches agricoles

et de mécanisation a pris acte qu’il y a en Italie plus ou moins 28 000

semoirs, d’une trentaine de types différents; ils ont essayé deux

prototypes avec lesquels ils ont pu diminué les rejets de poussières de 30

à 70% selon le type. Les apiculteurs doutent donc qu’on puisse réellement

résoudre le problème par le biais de l’amélioration du matériel.

Le problème fondamental est celui de la monoculture du maïs.

  • EN ALLEMAGNE

Des mortalités très importantes ont eu lieu lors du semis de maïs,

traité au Poncho Pro (dosage 2,4 fois supérieur à celui du Poncho

« ordinaire ») à cause du danger de Chrysomèle. 11 500 ruches ont été

détruites, 700 apiculteurs ont été touchés, ces chiffres sont ceux des

pertes enregistrées officiellement pour le dédommagement dans les

semaines qui suivaient les semis. Bayer par l’intermédiaire du land a ainsi

indemnisé les apiculteurs allemands sur déclaration : 2.000.000 €. Ceux

qui ont reçu cette indemnisation renoncent à toute poursuite ultérieure.

Les pertes sont liées aux poussières de semis, répandues largement à

cause de la sécheresse et du vent qui ont caractérisé cette période. Des

nuages de poussière se sont formés, qui ont contaminé les vallées de la

Forêt Noire, jusqu’à 30 km, et l’Alsace voisine, où des apis professionnels

ont eu des problèmes de contamination. Par la suite, il y a eu

beaucoup de problèmes d’élevage, reines mortes dans les cellules.

En automne, les apiculteurs professionnels ont constaté beaucoup

de pertes de reines, avec ruches bourdonneuses. Tout ceci ne fait

plus l’objet de dédommagements.

Il n’y a plus de moustiques dans le Bade-Württemberg (seul avantage !)

et les chasseurs ont fait un courrier dans lequel ils affirment qu’il n’y a

plus de faisans ! Des personnes ont eu des problèmes oculaires ; dans

toutes les pharmacies les réserves de collyres étaient épuisés.

Par ailleurs il semble bien que le Poncho Pro n’ait même pas permis

de détruire la chrysomèle : en 2007 on en avait détecté 7 individus

et cette année, 80 ont été trouvé ! En conséquence les agriculteurs ont

pulvérisé, en outre, un autre produit (Biscaya : THIACLOPRIDE, le

deuxième chloronicotinyl de Bayer après l’imidaclopride!) ce qui a encore

tué des abeilles (les agriculteurs ont traité au mois de juillet), touchant les

apiculteurs qui avaient laissé les ruches dans la région à maïs.

Aujourd’hui les autorités sont mal à l’aise : ne savent pas si elles vont

obliger la rotation ou envisager de nouveaux traitements… l’un des

présents observe qu’il existe une décision européenne (766/2003)

qui impose la rotation pour le maïs en cas de chrysomèle. La

rotation est aussi indispensable pour l’obtention des subsides européens

dans le cadre de l’éco-conditionnalité (Jean Sabench).

Toutes les homologations sont suspendues actuellement en

Allemagne, sauf sur le colza : pour cette culture les traitements de

semences ont été réautorisés au mois de juillet. Il n’est pas sûr pour le

moment qu’il y aura une nouvelle homologation pour maïs et tournesol.

Sur l’exsudation par le maïs, les apis allemands ont aussi reçu une

communication venant du Dr Walner de Hoheneim, selon laquelle ce

problème est très grave. On a parlé d’une exposition mille fois

supérieure à celle par les fleurs : intox aiguë très rapide. Ce

problème est méconnu des scientifiques actuellement.

Dans le Sud-Tyrol, beaucoup de dégâts ont été constatés sur vergers, si

bien que les arboriculteurs commencent à travailler avec des bourdons, on

ne compte plus sur les apiculteurs.

  • EN FRANCE

Cruiser® et nouveaux pesticides neurotoxiques à l’encontre du

Développement durable et de l’Apiculture européenne

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Les abeilles encore et toujours menacées !

Malgré le manque de données solides et approuvées, le Ministre vient de

reconduire l’homologation du Cruiser de Syngenta jusqu’en mai 2009

Avec cette nouvelle décision du Ministère de l’Agriculture, l’UNAF

. Souligne le manque de démonstration de l’innocuité du Cruiser,

. Dénonce l'absence de crédibilité du processus de suivi,

. Exprime son opposition à toute autorisation de ce pesticide

et demande au ministre de suspendre l’autorisation de mise sur le

marché

du Cruiser sur maïs

Michel Barnier, Ministre de l’Agriculture, n’a pas pris en considération la

dangerosité de l’insecticide neurotoxique CRUISER sur les abeilles, la faune

aquatique, les oiseaux et l’environnement. En accordant l’autorisation de semer

du maïs traité CRUISER, il privilégie les intérêts de la firme agrochimiste

SYNGENTA.

En 2008, l’homologation du CRUISER avait été donnée sur la base de la

reconnaissance mutuelle avec l’Allemagne. Cependant, le CRUISER a été retiré

sur maïs dans ce pays, suite aux mortalités catastrophiques d’abeilles au

printemps 2008 dues aux insecticides systémiques utilisés en traitement de

semences. Règlementairement, il devrait en être de même en France et le retrait

aurait dû être prononcé par le Ministre.

Afin de calmer les esprits, Michel Barnier assortit cette autorisation de quatre

conditions restrictives impossibles à respecter. Les trois premières sont similaires

à celles de 2008.

- Renforcement des conditions d’enrobage (dit « plan poussière ») des semences

En ce qui concerne le pelliculage des semences, il était soi-disant maîtrisé en

2008, pourtant les prélèvements effectués lors des semis ont démontré une

émission de « poussières » contenant du thiaméthoxam (matière active du

CRUISER) à des concentrations élevées. Compte tenu des hécatombes survenues

au printemps dernier en Italie, Allemagne et Slovénie, le risque pour l’abeille

exposée à ces poussières de semis, est inacceptable. Cet insecticide

neurotoxique largement dispersé dans l’atmosphère est respiré par la population

et dommageable pour la santé humaine. En se déposant sur les fleurs, il

intoxique les abeilles qui de plus, rapportent à la ruche un pollen nocif à la survie

de la colonie.

- Usage sur une même parcelle uniquement une année sur trois.

Afin que cette condition soit respectée sur le terrain, cela nécessite d’effectuer

des contrôles et donc de budgétiser des moyens financiers. Dans le contexte

actuel, cette condition paraît irréalisable.

- Utilisation possible uniquement sur le maïs ensilage, le maïs grain et le maïs

porte-graine femelle.

Lors de la floraison du maïs, les abeilles récoltent le pollen pollué par le

(CRUISER) thiaméthoxam. Ce pollen étant essentiellement consommé par les

abeilles nourricières abeilles réputées grosses consommatrices de pollen ce

risque n’a jamais été évalué.

- Obligation pour les agriculteurs de mettre en place des déflecteurs sur les

semoirs afin de limiter les émissions de poussières lors des semis.

D’une part, en France, la moitié des semoirs utilisés ne peuvent pas être équipés

de déflecteurs. D’autre part, ces déflecteurs ont une faible efficacité. Cette

mesure est également incontrôlable auprès des agriculteurs.

Le Ministre annonce un nouveau protocole de suivi pour 2009 et retire la gestion

du comité de suivi à la DGAL…Il est vrai que l’expérience du protocole de suivi

mis en place en 2008 a été catastrophique en terme de rigueur scientifique…

Nous pouvons nous attendre à ce que tout soit encore mis en oeuvre pour ne

pas incriminer le CRUISER.

Michel Barnier demande « de collecter, harmoniser et centraliser toutes les

observations permettant de déterminer les raisons des mortalités d’abeilles…

(Intoxication, pratiques apicoles, état sanitaire des ruches,…).

Il est inacceptable de masquer l’impact sur la santé des abeilles en invoquant

diverses maladies et mauvaises pratiques apicoles alors que cet insecticide

neurotoxique est qualifié très dangereux pour les abeilles par le fabricant luimême

(SYNGENTA)

Dans les trois mois à venir l’INRA devra « faire le bilan de l’état des recherches

sur les méthodes agronomiques alternatives et évaluer les pratiques des autres

pays européens pour lutter contre le taupin ».Il est surprenant que cette étude

n’ait pas pu être réalisée au préalable.

Le Ministre reconnaît implicitement que le Comité d’experts constitué par

l’AFFSA manque cruellement de spécialistes de l’abeille. Il est scandaleux que le

renouvellement de l’autorisation du CRUISER, ait malgré tout été basé cet avis

de l’AFSSA. Pour 2009, en effet, les représentants des apiculteurs et les

associations environnementales « pourront proposer des candidatures d’experts

apidologues à l’AFSSA ».

Insecticides neurotoxiques systémiques en traitement de semences

1 - Ces insecticides sont systémiques donc présents dans la plante

pendant toute sa vie et contaminent le pollen et le nectar et l'alimentation

humaine. L'imidaclopride du Gaucho est une des molécules dont les

résidus sont trouvés le plus fréquemment dans l'alimentation (enquête

européenne 2008)

2 - Ces insecticides perdurent plusieurs années dans le sol et

contaminent les plantes non traitées, les eaux, et l'ensemble de

l'environnement.

3 - Ces insecticides sont très toxiques pour les abeilles, les

pollinisateurs, les vers de terre et autres organismes du sol, les auxiliaires

des cultures, les oiseaux...

4 - Ces insecticides sont d’usage systématique (assurance

multirisques !) et sont en contradiction fondamentale avec les principes de

l’Agriculture Durable où la lutte des ravageurs doit être intégrée :

utilisation de pesticide seulement quand c’est nécessaire.

Pour satisfaire les exigences d'un petit nombre de cultivateurs de maïs qui

refusent de pratiquer la rotation des cultures (qui permet de gérer proprement

les parasites du sol), Peut-on mettre en danger la filière apicole, les insectes

pollinisateurs et l'environnement ?

Ils font partie de deux familles différentes:

. les néonicotinoïdes : imidaclopride, thiamétoxam, clothianidine, thiaclopride,

dinotéfuran, acétamipride

. les fiproles : fipronil

Imidaclopride (Gaucho) : la DT 50 (demi vie) varie entre 1 à 2 ans selon les sols

clothianidine (Poncho) : DT50 1386 jours (Dakota du Nord), au Saskatchewan,

après 775 jours, encore 80% de la quantité initiale de substance active était

présente

Le Fipronil : dans un sable limoneux de l’Etat de Washington la DT 50 du Fipronil

est de 7,3 mois et celle des résidus totaux du Fipronil de 16 mois.

Termidor à base de Fipronil injecté dans les sols, destiné à protéger de l’action

nuisible des termites, est accrédité d’une durée d’action termiticide de 5 ans !

Ils sont aussi très persistants dans l'eau, la durée de vie de l'imidaclopride

est de 335 jours.

La systémie et la persistance combinées provoquent une contamination

généralisée de tous les nectars et pollens des plantes issues de semences

traitées, ou non traitées (cultures et adventices).

En ce sens, en France, une enquête multifactorielle portant sur les années 2002

à 2005, a été réalisée par le laboratoire de pathologie de l'abeille de l'AFSSA.

Une publication expose les résultats des recherches de résidus de pesticides dans

les pollens. Le Gaucho était interdit sur tournesol sur toute cette période, et sur

maïs depuis 2004.

Malgré cette interdiction, il a été observé que « la proportion des échantillons

contenant au moins de l’imidaclopride ou de l’acide-6-chloronicotinique était de

69,1 % (son métabolite)».

Des résidus d'imidaclopride ont été retrouvés dans les pollens de printemps et

d'automne provenant de fleurs non traitées.

Cette étude portait sur les pollens récoltés par 50 ruches, réparties dans 5

départements, avec 5 ruchers différents par département dans des

environnements différents. Elle met en évidence une pollution généralisée des

pollens, issus de cultures ou de plantes non cultivées, par l'imidaclopride.

Une enquête de la Commission Européenne sur les produits phytosanitaires dans

l'alimentation, publiée en octobre 2008, indique que prés de la moitié des

échantillons analysés contiennent des résidus, et que l'imidaclopride est une des

molécules les plus détectées.

Ces produits sont extrêmement toxiques pour l'abeille, les insectes

pollinisateurs

Pour l'abeille, la dose létale qui tue la moitié d'une population est :

. imidaclopride 3.7 ng/abeille (0,000 000 0037 g/ab)

. fipronil 4.2 ng/ab

. thiamétoxam 5 ng/ab

. clothianidine 3.7 ng/ab

La diminution des populations de pollinisateurs présente des risques pour la

production d'alimentation et pour la survie de nombreuses espèces.

Par leur mode d'action ces insecticides sont peu sélectifs, ils sont aussi

très toxiques pour les insectes utiles, les auxiliaires des cultures (voir les effets

non intentionnels sur le site http://e-phy.agriculture.gouv.fr/).

La disparition des auxiliaires des cultures rend plus difficile la lutte biologique

contre les prédateurs, et la diminution d'usage des pesticides.

Ces produits sont aussi très toxiques pour les oiseaux, les poissons et les

organismes aquatiques.

La technique de l'enrobage de semences provoque l'émission de

poussières lors des semis.

Des mortalités importantes de ruches ont été constatées en période de semis :

. En France plusieurs milliers de ruches mortes en 2002 et 2003 dans le

Sud-Ouest avec du fipronil

. En Allemagne au printemps 2008 plus de 12 000 ruches exterminées par la

clothianidine

. En Italie depuis plusieurs années des milliers de ruches meurent chaque

printemps lors des semis de maïs.

L'Allemagne a interdit la clothianidine et d’autres molécules, et l'Italie a interdit

l'usage de tous produits contenant de l'imidaclopride, du fipronil, de la

clothianidine et du thimétoxam, en traitement de semences.

Systémie et persistance favorisent l'apparition des résistances. La

présence continuelle de ces produits dans l'environnement fait que les parasites

sont en permanence au contact du pesticide et sont ainsi dans une situation

idéale pour développer des résistances. Des résistances ont déjà été constatées

(voir site e-phy).

D’après une étude de surveillance faite en 2007 par la DGCCRF

(Direction générale de la concurrence de la consommation et de la

répression des fraudes) effectuée sur 3 742 échantillons de fruits et

légumes, plus de 52,1% contiennent des insecticides et des pesticides.

70,3% des fruits contiennent des résidus de pesticides et on en

retrouve dans 41,3% des légumes.

L'utilisation de ces produits en traitement de semences fait que toutes les plantes

sont traitées, sans savoir si cela sera nécessaire.

Il s'agit de traitements systématiques, d'assurance tous risques, ou de

traitement de confort.

Dans ses documents publicitaires pour le Cruiser, Syngenta va au bout de cette

logique en déclarant que le Cruiser augmente le rendement, même en absence

de parasites:

«Dans les essais Cruiser a montré une amélioration de la rentabilité des maïs

même en absence d'attaque visible de ravageurs. »

Un pesticide dangereux devient un vulgaire amendement. Pour quelques

quintaux de plus on ne se soucie pas de polluer le sol, l'eau et l'alimentation et

de contribuer à la disparition des espèces animales.

Les insecticides neurotoxiques systémiques sont donc à proscrire en

traitement de semences et traitement du sol. Ils sont absolument

incompatibles avec la notion d'agriculture durable, respectueuse de

l'environnement.

Conclusion du rapport sur la disparition des abeilles

Ministère de la Recherche (France)

 

 

 

Conséquences – Du rôle majeur des insectes pollinisateurs

_____________________________________________

La plupart des études portent sur l’abeille dite domestique, c’est-à-dire Apis

mellifera (Europe, Afrique, Amérique, Australie) et Apis cerena (Asie méridionale

et orientale). Et si ces deux espèces assurent à elles seules 85 % de la

pollinisation des espèces de plantes de nos contrées, il ne faut pas qu’elles

cachent ce qui arrive aux autres butineurs sauvages comme les bourdons,

Bombus sp., ou d’autres insectes qui eux aussi souffrent des activités de

l’homme.

Plusieurs espèces de Bombus sont menacées

d’extinction, et une récente étude anglohollandaise

montre l’effondrement parallèle

des populations de pollinisateurs et des plantes

qui leurs sont associées – sans préciser si ce

sont les plantes ou les insectes qui

disparaissent en premier. Avec la disparition

des abeilles, c’est 65 % des plantes

agricoles qui sont menacées, soit 35 % de

notre alimentation. Les cultures maraîchères

et fruitières dépendent par exemple à 90 voire

100 % des abeilles et déjà, les Etats-Unis ont

dû importer massivement des abeilles d’Australie pour leurs vergers de pommes

et leurs champs de myrtilles. 80 % des plantes à fleurs dépendent de ce type

d’insectes pour leur reproduction et donc pour leur survie. Si elles venaient à

disparaître, le changement serait tellement énorme qu’il est impossible d’en

mesurer les conséquences pour l’environnement et pour l’homme. L’abeille est

considérée et utilisée comme sentinelle de l’environnement dans de nombreuses

recherches actuelles. Sa disparition traduit bien l’état de la planète en ce début

de XXIe siècle.

Quelles solutions aujourd’hui ?

Malgré l’évidence que le modèle agricole actuel est le premier responsable de la

disparition des populations de butineurs (organisation de l’espace, monoculture,

produits phytosanitaires, stress intensif...), les solutions envisagées sont bien

moins ambitieuses. On continue de rechercher des causes ponctuelles en

étudiant les parasitoses et autres maladies, on met en place des espaces

tampons sous forme de jachères fleuries (d’ailleurs parfois avec des espèces

inadaptées à l’entomofaune sauvage) ou sous forme de corridors plus ou moins

étendus, espérant ainsi préserver un stock suffisamment important de

biodiversité pour faire face à des enjeux ultérieurs. Bref, des solutions qui

risquent surtout de faire office de « rustines », le temps que d’autres

dysfonctionnements majeurs apparaissent.

Données diffusées sur le site du Ministère de la recherche www.sciences.gouv.fr

 

LA QUESTION DES HOMOLOGATIONS EUROPEENNES

  • L’évaluation des produits phytosanitaires au niveau européen

_____________________________________________________

Tests abeilles

Durant ces dernières semaines, lors de la révision de la directive sur les

pesticides, la façon dont devraient être réalisés les tests abeilles a retenu toute

l’attention des apiculteurs et a fait l’objet d’une négociation jusqu’aux dernières

réunions entre les représentants du Conseil de ministre, de la Commission et du

Parlement européen. Ce point est essentiel si l’on veut s’assurer qu’un nouveau

produit phytosanitaire mis sur le marché ne présente pas ou peu de risque pour

les abeilles. Il faut dire que les tests encore utilisés ont vu le jour voici 50 ans et

n’ont pratiquement pas évolué. Pourtant, les produits phytosanitaires n’ont plus

rien de commun avec ce que l’on connaissait à l’époque : toxicité beaucoup plus

élevée, utilisation à des doses infimes, produit véhiculé dans toute la plante

(systémique) et non plus pulvérisé… Les modalités de contact entre l’abeille et le

toxique sont ainsi tout à fait différentes. D’un contact direct et unique avec le

produit facilement détectable, on est de plus en plus souvent confronté avec la

mise en contact répété de faibles doses que l’on ne peut pratiquement plus

déceler.

Spécificité des abeilles

Contrairement à de nombreuses espèces d’insectes, tester la toxicité d’un produit

pour des abeilles est très complexe car un toxique peut agir tant au niveau de

l’insecte isolé que du fonctionnement de la colonie. On compare parfois une

colonie d’abeilles à un individu pluricellulaire pour lequel chaque cellule

correspond à une abeille. Dans une colonie, les mécanismes de reproduction, de

transmission de l’information sont aussi importants, si pas plus, que la survie

même des individus. Des erreurs de décodage des informations transmises par

les phéromones peuvent être assimilées à des troubles hormonaux chez des

mammifères. De même, si elles perdent leur capacité de nettoyage, elles sont

alors à la merci de nombreuses maladies (virus, bactéries, champignons…). Les

effets sur la mémoire des abeilles peuvent également arriver à des catastrophes

(pertes des butineuses en vol…).

Les tests actuels

Pour l’instant, on classe les toxiques en vérifiant la dose de produit qu’une abeille

doit ingérer en une fois ou avec laquelle elle entre en contact pour mourir. Si

cette dose peut se trouver dans l’environnement, on met de petites colonies en

tunnel et on vérifie pendant 15 jours si l’on observe des effets. Le plus souvent,

on ne sait même pas la quantité de toxique réellement consommée par les

abeilles. Si des effets significatifs sont signalés (par exemple plus de 30 % de

mortalité du couvain), on teste alors le produit en champs. Là, les abeilles sont

sensées aller butiner le champ traité (quelques ares d’une plante mellifère)

pendant sa floraison et on suit l’évolution de la colonie sur une période qui était

auparavant de près d’un mois. Certains tests aujourd’hui s’étalent sur plusieurs

années. En règle générale, il est très rare que l’on estime avec précision

l’exposition réelle au toxique et seul le critère de mortalité des colonies semble

retenu. Les renouvellements de reines, la sensibilisation aux maladies… ne sont

pas considérés comme des risques non acceptables. C’est le cas de tests en

champs réalisés avec le Cruiser. Il est très difficile d’avoir accès aux données

précises des tests réalisés et l’on ne peut bien souvent pas juger de l’exposition

réelle des abeilles au toxique. Sans pouvoir prouver cette exposition et sans un

suivi très précis de l’évolution des colonies qui tient compte d’effets n’entraînant

pas spécialement la mort d’abeilles mais bien la dégénérescence de la colonie, on

ne peut réellement juger de la toxicité réelle d’un produit.

De plus, bien souvent, plusieurs produits sont présents dans l’enrobage de

graines. La combinaison de ces différents produits devrait être testée vu qu’en

fonction des matières actives présentes, les effets toxiques peuvent être très

différents.

Des évaluations incomplètes

Il n’est pas surprenant que l’utilisation des molécules utilisées en traitement de

semences ait été suspendue en Allemagne, en Italie et en Slovaquie suite à de

très graves problèmes liés aux poussières émises par ces graines lors des semis.

On peut parler de catastrophes écologiques. Ce risque n’avait simplement pas

été évalué ! On peut également signaler les exsudations de plantes traitées

comme le maïs qui en période de chaleur et de forte humidité qui contiennent

des doses de toxiques capable de tuer sur le champ tout insecte dont les

abeilles !

 

Evaluation des produits phytosanitaires et risques pour les abeilles

Il est établi aujourd’hui que le seuil de toxicité varie selon que la substance

est administrée en doses répétées ou de façon continue ; il devrait être

tenu compte de ce fait lors des tests de toxicité chronique en calquant

autant que possible le mode d’administration de la substance sur les conditions

réelles de butinage en saison active ou de reprise des réserves par l’abeille en

hiver.*

La toxicité aiguë et chronique devrait être établie non seulement pour

les différentes classes (de la nourrice à la butineuse) mais également

pour les différentes castes d’abeilles (ouvrière, reine et mâles (viabilité des

spermatozoïdes)) sur base de leurs modalités de mise en contact avec le produit,

ceci afin d’établir la NOEC.

Nous nous interrogeons sur la nature des « higher tier tests ». Les tests en

tunnel ou en champ, qui constituent actuellement les stades ultimes et

déterminants de l’évaluation, ne nous paraissent pas, dans leur forme

actuelle, suffisants à cette fin (c’est à dire : pris à ce stade comme seuls

critères d’innocuité du produit pour les abeilles). En effet, ils ne maîtrisent pas

l’exposition aux matières toxiques, entre autres la consommation effective

des matrices traitées. En outre, les tests en tunnel posent d’autres problèmes

tels les effets sanitaires du confinement, susceptibles de se superposer à l’effet

du traitement lors de tests de longue durée. Dans certains dossiers les ruches

témoins se sont avérées contaminées avant les tests, rendant toute comparaison

impossible. Enfin, de nombreux chercheurs ont reconnu la grande difficulté que

présente la validation des tests en champs.

Nous nous permettons d’insister sur l’importance de l’évaluation des effets

sur les abeilles d’hiver en cas de consommation de réserves

contaminées. En effet, les mortalités constatées dans les ruchers ont lieu

principalement en hiver (ou fin d’hiver). Dans l’hypothèse où ces mortalités ont

un lien avec l’utilisation d’insecticides systémiques, la contamination aurait lieu

par cette voie et il importe donc de la tester avec soin.

Enfin, il importe de prendre en considération l’hypothèse de synergies

entre les Produits Phytopharmaceutiques et les microorganismes

pathogènes de l’abeille. On sait en effet que ce type de synergie fonctionne

pour d’autres espèces d’arthropodes au point d’être utilisé en phytopharmacie.

Des produits existent ou font l’objet de recherches, qui associent de faibles doses

d’un insecticide, à un parasite de l’insecte à détruire. Parmi les insecticides cités

dans ce type d’association figure l’imidaclopride ; parmi les parasites dont

l’action est renforcée par la synergie figurent le Beauveria ou encore certains

Nosema (genre dont deux espèces parasitent l’abeille)1. L’hypothèse est donc

vraisemblable et devrait être testée dans le cadre de l’évaluation du risque pour

les abeilles.

1 Source : intervention du Pr. Joe Cummins sur un forum de discussion ; l’auteur cite notamment les publications

suivantes : Cuthbertson AG, Walters KF and Deppe C. Compatibility of the entomopathogenic fungus

Lecanicillium muscarium and insecticides for eradication of sweetpotato whitefly, Bemisia tabaci.

Mycopathologia. 2005 Aug;160(1):35-41; Santos AV, de Oliveira BL and Samuels RI. Selection of

entomopathogenic fungi for use in combination with sub-lethal doses of imidacloprid: perspectives for the

control of the leaf-cutting ant Atta sexdens rubropilosa Forel (Hymenoptera: Formicidae). Mycopathologia.

2007 Apr;163(4):233-40; Lomer CJ, Bateman RP, Johnson DL, Langewald J and Thomas M.

Biological control of locusts and grasshoppers. Annu Rev Entomol.

2001; 46:667-702.

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Apiculture en Europe et Insecticides systémiques