Situation de l’apiculture face aux insecticides systémiques
L’Italie est un des premiers producteurs de maïs européens avec plus de 1.100.000 ha de maïs, cultivés dans les 5 régions de la « pianura padana » du nord, au pied des Alpes, depuis la côte ouest jusqu’à l’Adriatique. C’est dans cette région à maïs qu’ont eu lieu les dépeuplements et les pertes de ruches, massivement, lors du semis de printemps. L’ UNAAPI estime à 10.000 , en 2007, et plus de 50 000 en 2008, le nombre de ruches depeuplées. Au départ, les autorisations pour les insecticides en traitement de semences ( thiamethoxam, imidaclopride, clothianidine) avaient étéaccordées sur betteraves, maïs, pommes de terre. Suite aux mortalités dans les ruchers, le Ministère de la santé, le 17 septembre, a suspendu les autorisations sur toutes les cultures, mais le décret par lequel il l’a fait comportait des erreurs juridiques. Afin de maintenir de bons rapports avec les organisations agricoles, les apiculteurs ne se sont pas opposés à la réouverture en novembre par le Ministère des autorisations sur betteraves et pommes de terre. Depuis les molécules utilisées en traitement de semences sonttoujours suspendues sur maïs . Bayer CropsSciences a pris le meilleurbureau d’avocats d’Italie pour demander 15 millions d’euros de dommages pour les pertes subies ! Bayer, BASF et Syngenta plaidaient notamment que le lien entre les pertes et les insecticides n’étaient pas prouvés. Le premier jugement par le Tribunal administratif de Rome -TAR- au mois de novembre a débouté les compagnies dans un arrêt où, entre autres, ilestime l’intérêt des abeilles supérieur à l’intérêt privé des firmes etoù il dise que le lien de causalité existe. Le jugement suivant au mois de décembre au Conseil d’Etat italien a de nouveau rejeté les firmes, sauf pour l’obligation au Ministère de la Santé de fixer une date de terme a la suspension. L’affaire sera traitée sur le fond au printemps prochain. Les apiculteurs italiens sont très satisfaits de l’arrêt du Conseil d’Etat et ils ont la chance d’avoir pu s’appuyer sur des chercheurs honnêtes. Mme Sabatini, responsable de l’Institut technique apicole italien a dit que scientifiquement, la contamination par ces molécules en 2008 était certaine. En outre, un professeur de l’Université de Padoue a faitune recherche dans laquelle il a mesuré la quantité de principe actif dans l’exsudation par les feuilles de maïs. L’exsudation se produit en cas de chaleur et humidité (eau dans le sol), et l’étude dit que l’eau ainsi exsudée est à ce point contaminée, qu’elle tue toute abeille par contact ou par voie orale instantanément. Les habitants des territoires concernés ont constaté une disparition complète des insectes : dans les territoires où ils avaient du maïs on n’a pas fait du miellat (metcalfa). Metcalfa a été vu en début de saison mais a disparu d’un jour à l’autre. Des essais ont eu lieu sur les semoirs. Le centre de recherches agricoles et de mécanisation a pris acte qu’il y a en Italie plus ou moins 28 000 semoirs, d’une trentaine de types différents; ils ont essayé deux prototypes avec lesquels ils ont pu diminué les rejets de poussières de 30 à 70% selon le type. Les apiculteurs doutent donc qu’on puisse réellement résoudre le problème par le biais de l’amélioration du matériel. Le problème fondamental est celui de la monoculture du maïs.
Des mortalités très importantes ont eu lieu lors du semis de maïs,traité au Poncho Pro (dosage 2,4 fois supérieur à celui du Poncho« ordinaire ») à cause du danger de Chrysomèle. 11 500 ruches ont étédétruites, 700 apiculteurs ont été touchés , ces chiffres sont ceux despertes enregistrées officiellement pour le dédommagement dans les semaines qui suivaient les semis. Bayer par l’intermédiaire du land a ainsi indemnisé les apiculteurs allemands sur déclaration : 2.000.000 €. Ceux qui ont reçu cette indemnisation renoncent à toute poursuite ultérieure. Les pertes sont liées aux poussières de semis, répandues largement à cause de la sécheresse et du vent qui ont caractérisé cette période. Des nuages de poussière se sont formés, qui ont contaminé les vallées de la Forêt Noire, jusqu’à 30 km, et l’Alsace voisine, où des apis professionnels ont eu des problèmes de contamination. Par la suite, il y a eubeaucoup de problèmes d’élevage, reines mortes dans les cellules. En automne, les apiculteurs professionnels ont constaté beaucoup de pertes de reines, avec ruches bourdonneuses . Tout ceci ne faitplus l’objet de dédommagements. Il n’y a plus de moustiques dans le Bade-Württemberg (seul avantage !) et les chasseurs ont fait un courrier dans lequel ils affirment qu’il n’y a plus de faisans ! Des personnes ont eu des problèmes oculaires ; dans toutes les pharmacies les réserves de collyres étaient épuisés. Par ailleurs il semble bien que le Poncho Pro n’ait même pas permisde détruire la chrysomèle : en 2007 on en avait détecté 7 individus et cette année, 80 ont été trouvé ! En conséquence les agriculteurs ontpulvérisé, en outre, un autre produit (Biscaya : THIACLOPRIDE, le deuxième chloronicotinyl de Bayer après l’imidaclopride!) ce qui a encore tué des abeilles (les agriculteurs ont traité au mois de juillet), touchant les apiculteurs qui avaient laissé les ruches dans la région à maïs. Aujourd’hui les autorités sont mal à l’aise : ne savent pas si elles vont obliger la rotation ou envisager de nouveaux traitements… l’un des présents observe qu’il existe une décision européenne (766/2003)qui impose la rotation pour le maïs en cas de chrysomèle . Larotation est aussi indispensable pour l’obtention des subsides européens dans le cadre de l’éco-conditionnalité (Jean Sabench). Toutes les homologations sont suspendues actuellement en Allemagne, sauf sur le colza : pour cette culture les traitements desemences ont été réautorisés au mois de juillet. Il n’est pas sûr pour le moment qu’il y aura une nouvelle homologation pour maïs et tournesol. Sur l’exsudation par le maïs, les apis allemands ont aussi reçu une communication venant du Dr Walner de Hoheneim, selon laquelle ceproblème est très grave. On a parlé d’une exposition mille foissupérieure à celle par les fleurs : intox aiguë très rapide . Ceproblème est méconnu des scientifiques actuellement. Dans le Sud-Tyrol, beaucoup de dégâts ont été constatés sur vergers, si bien que les arboriculteurs commencent à travailler avec des bourdons, on ne compte plus sur les apiculteurs.
Cruiser® et nouveaux pesticides neurotoxiques à l’encontre du Développement durable et de l’Apiculture européenne _____________________________________________ Les abeilles encore et toujours menacées ! Malgré le manque de données solides et approuvées, le Ministre vient de reconduire l’homologation du Cruiser de Syngenta jusqu’en mai 2009 Avec cette nouvelle décision du Ministère de l’Agriculture, l’UNAF . Souligne le manque de démonstration de l’innocuité du Cruiser,. Dénonce l'absence de crédibilité du processus de suivi, . Exprime son opposition à toute autorisation de ce pesticide et demande au ministre de suspendre l’autorisation de mise sur le marché du Cruiser sur maïs Michel Barnier, Ministre de l’Agriculture, n’a pas pris en considération la dangerosité de l’insecticide neurotoxique CRUISER sur les abeilles, la faune aquatique, les oiseaux et l’environnement. En accordant l’autorisation de semer du maïs traité CRUISER, il privilégie les intérêts de la firme agrochimiste SYNGENTA. En 2008, l’homologation du CRUISER avait été donnée sur la base de la reconnaissance mutuelle avec l’Allemagne. Cependant, le CRUISER a été retiré sur maïs dans ce pays, suite aux mortalités catastrophiques d’abeilles au printemps 2008 dues aux insecticides systémiques utilisés en traitement de semences. Règlementairement, il devrait en être de même en France et le retrait aurait dû être prononcé par le Ministre. Afin de calmer les esprits, Michel Barnier assortit cette autorisation de quatre conditions restrictives impossibles à respecter. Les trois premières sont similaires à celles de 2008. - Renforcement des conditions d’enrobage (dit « plan poussière ») des semencesEn ce qui concerne le pelliculage des semences, il était soi-disant maîtrisé en 2008, pourtant les prélèvements effectués lors des semis ont démontré une émission de « poussières » contenant du thiaméthoxam (matière active duCRUISER) à des concentrations élevées. Compte tenu des hécatombes survenues au printemps dernier en Italie, Allemagne et Slovénie, le risque pour l’abeille exposée à ces poussières de semis, est inacceptable. Cet insecticide neurotoxique largement dispersé dans l’atmosphère est respiré par la population et dommageable pour la santé humaine. En se déposant sur les fleurs, il intoxique les abeilles qui de plus, rapportent à la ruche un pollen nocif à la survie de la colonie. - Usage sur une même parcelle uniquement une année sur trois.Afin que cette condition soit respectée sur le terrain, cela nécessite d’effectuer des contrôles et donc de budgétiser des moyens financiers. Dans le contexte actuel, cette condition paraît irréalisable. - Utilisation possible uniquement sur le maïs ensilage, le maïs grain et le maïsporte-graine femelle. Lors de la floraison du maïs, les abeilles récoltent le pollen pollué par le (CRUISER) thiaméthoxam. Ce pollen étant essentiellement consommé par les abeilles nourricières abeilles réputées grosses consommatrices de pollen ce risque n’a jamais été évalué. - Obligation pour les agriculteurs de mettre en place des déflecteurs sur lessemoirs afin de limiter les émissions de poussières lors des semis. D’une part, en France, la moitié des semoirs utilisés ne peuvent pas être équipés de déflecteurs. D’autre part, ces déflecteurs ont une faible efficacité. Cette mesure est également incontrôlable auprès des agriculteurs. Le Ministre annonce un nouveau protocole de suivi pour 2009 et retire la gestion du comité de suivi à la DGAL…Il est vrai que l’expérience du protocole de suivi mis en place en 2008 a été catastrophique en terme de rigueur scientifique… Nous pouvons nous attendre à ce que tout soit encore mis en oeuvre pour ne pas incriminer le CRUISER. Michel Barnier demande « de collecter, harmoniser et centraliser toutes lesobservations permettant de déterminer les raisons des mortalités d’abeilles… (Intoxication, pratiques apicoles, état sanitaire des ruches,…) .Il est inacceptable de masquer l’impact sur la santé des abeilles en invoquant diverses maladies et mauvaises pratiques apicoles alors que cet insecticide neurotoxique est qualifié très dangereux pour les abeilles par le fabricant luimême (SYNGENTA) Dans les trois mois à venir l’INRA devra « faire le bilan de l’état des recherchessur les méthodes agronomiques alternatives et évaluer les pratiques des autres pays européens pour lutter contre le taupin ». Il est surprenant que cette étuden’ait pas pu être réalisée au préalable. Le Ministre reconnaît implicitement que le Comité d’experts constitué par l’AFFSA manque cruellement de spécialistes de l’abeille. Il est scandaleux que le renouvellement de l’autorisation du CRUISER, ait malgré tout été basé cet avis de l’AFSSA. Pour 2009, en effet, les représentants des apiculteurs et les associations environnementales « pourront proposer des candidatures d’expertsapidologues à l’AFSSA ». Insecticides neurotoxiques systémiques en traitement de semences 1 - Ces insecticides sont systémiques donc présents dans la plantependant toute sa vie et contaminent le pollen et le nectar et l'alimentation humaine. L'imidaclopride du Gaucho est une des molécules dont les résidus sont trouvés le plus fréquemment dans l'alimentation (enquête européenne 2008) 2 - Ces insecticides perdurent plusieurs années dans le sol etcontaminent les plantes non traitées, les eaux, et l'ensemble de l'environnement. 3 - Ces insecticides sont très toxiques pour les abeilles, lespollinisateurs, les vers de terre et autres organismes du sol, les auxiliaires des cultures, les oiseaux... 4 - Ces insecticides sont d’usage systématique (assurancemultirisques !) et sont en contradiction fondamentale avec les principes de l’Agriculture Durable où la lutte des ravageurs doit être intégrée : utilisation de pesticide seulement quand c’est nécessaire. Pour satisfaire les exigences d'un petit nombre de cultivateurs de maïs qui refusent de pratiquer la rotation des cultures (qui permet de gérer proprement les parasites du sol), Peut-on mettre en danger la filière apicole, les insectes pollinisateurs et l'environnement ? Ils font partie de deux familles différentes: . les néonicotinoïdes : imidaclopride, thiamétoxam, clothianidine, thiaclopride,dinotéfuran, acétamipride . les fiproles : fipronilImidaclopride (Gaucho) : la DT 50 (demi vie) varie entre 1 à 2 ans selon les sols clothianidine (Poncho) : DT50 1386 jours (Dakota du Nord), au Saskatchewan, après 775 jours, encore 80% de la quantité initiale de substance active était présente Le Fipronil : dans un sable limoneux de l’Etat de Washington la DT 50 du Fipronil est de 7,3 mois et celle des résidus totaux du Fipronil de 16 mois. Termidor à base de Fipronil injecté dans les sols, destiné à protéger de l’action nuisible des termites, est accrédité d’une durée d’action termiticide de 5 ans ! Ils sont aussi très persistants dans l'eau, la durée de vie de l'imidacloprideest de 335 jours. La systémie et la persistance combinées provoquent une contamination généralisée de tous les nectars et pollens des plantes issues de semencestraitées, ou non traitées (cultures et adventices). En ce sens, en France, une enquête multifactorielle portant sur les années 2002 à 2005, a été réalisée par le laboratoire de pathologie de l'abeille de l'AFSSA. Une publication expose les résultats des recherches de résidus de pesticides dans les pollens. Le Gaucho était interdit sur tournesol sur toute cette période, et sur maïs depuis 2004. Malgré cette interdiction, il a été observé que « la proportion des échantillonscontenant au moins de l’imidaclopride ou de l’acide-6-chloronicotinique était de 69,1 % ( son métabolite)».Des résidus d'imidaclopride ont été retrouvés dans les pollens de printemps et d'automne provenant de fleurs non traitées. Cette étude portait sur les pollens récoltés par 50 ruches, réparties dans 5 départements, avec 5 ruchers différents par département dans des environnements différents. Elle met en évidence une pollution généralisée des pollens, issus de cultures ou de plantes non cultivées, par l'imidaclopride. Une enquête de la Commission Européenne sur les produits phytosanitaires dans l'alimentation, publiée en octobre 2008, indique que prés de la moitié des échantillons analysés contiennent des résidus, et que l'imidaclopride est une des molécules les plus détectées. Ces produits sont extrêmement toxiques pour l'abeille, les insectes pollinisateurs Pour l'abeille, la dose létale qui tue la moitié d'une population est : . imidaclopride 3.7 ng/abeille (0,000 000 0037 g/ab) . fipronil 4.2 ng/ab . thiamétoxam 5 ng/ab . clothianidine 3.7 ng/ab La diminution des populations de pollinisateurs présente des risques pour la production d'alimentation et pour la survie de nombreuses espèces. Par leur mode d'action ces insecticides sont peu sélectifs , ils sont aussitrès toxiques pour les insectes utiles, les auxiliaires des cultures (voir les effets non intentionnels sur le site http://e-phy.agriculture.gouv.fr/). La disparition des auxiliaires des cultures rend plus difficile la lutte biologique contre les prédateurs, et la diminution d'usage des pesticides. Ces produits sont aussi très toxiques pour les oiseaux, les poissons et lesorganismes aquatiques. La technique de l'enrobage de semences provoque l'émission de poussières lors des semis.Des mortalités importantes de ruches ont été constatées en période de semis : . En France plusieurs milliers de ruches mortes en 2002 et 2003 dans le Sud-Ouest avec du fipronil . En Allemagne au printemps 2008 plus de 12 000 ruches exterminées par la clothianidine . En Italie depuis plusieurs années des milliers de ruches meurent chaque printemps lors des semis de maïs. L'Allemagne a interdit la clothianidine et d’autres molécules, et l'Italie a interdit l'usage de tous produits contenant de l'imidaclopride, du fipronil, de la clothianidine et du thimétoxam, en traitement de semences. Systémie et persistance favorisent l'apparition des résistances . Laprésence continuelle de ces produits dans l'environnement fait que les parasites sont en permanence au contact du pesticide et sont ainsi dans une situation idéale pour développer des résistances. Des résistances ont déjà été constatées (voir site e-phy). D’après une étude de surveillance faite en 2007 par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes) effectuée sur 3 742 échantillons de fruits et légumes, plus de 52,1% contiennent des insecticides et des pesticides. 70,3% des fruits contiennent des résidus de pesticides et on en retrouve dans 41,3% des légumes. L'utilisation de ces produits en traitement de semences fait que toutes les plantes sont traitées, sans savoir si cela sera nécessaire. Il s'agit de traitements systématiques, d'assurance tous risques , ou detraitement de confort. Dans ses documents publicitaires pour le Cruiser, Syngenta va au bout de cette logique en déclarant que le Cruiser augmente le rendement, même en absence de parasites: «Dans les essais Cruiser a montré une amélioration de la rentabilité des maïs même en absence d'attaque visible de ravageurs. » Un pesticide dangereux devient un vulgaire amendement. Pour quelques quintaux de plus on ne se soucie pas de polluer le sol, l'eau et l'alimentation et de contribuer à la disparition des espèces animales. Les insecticides neurotoxiques systémiques sont donc à proscrire en traitement de semences et traitement du sol. Ils sont absolument incompatibles avec la notion d'agriculture durable, respectueuse de l'environnement. Conclusion du rapport sur la disparition des abeilles Ministère de la Recherche (France)
Conséquences – Du rôle majeur des insectes pollinisateurs _____________________________________________ La plupart des études portent sur l’abeille dite domestique, c’est-à-dire Apis mellifera (Europe, Afrique, Amérique, Australie) et Apis cerena (Asie méridionale et orientale). Et si ces deux espèces assurent à elles seules 85 % de la pollinisation des espèces de plantes de nos contrées, il ne faut pas qu’elles cachent ce qui arrive aux autres butineurs sauvages comme les bourdons, Bombus sp., ou d’autres insectes qui eux aussi souffrent des activités de l’homme. Plusieurs espèces de Bombus sont menacées d’extinction, et une récente étude anglohollandaise montre l’effondrement parallèle des populations de pollinisateurs et des plantes qui leurs sont associées – sans préciser si ce sont les plantes ou les insectes qui disparaissent en premier. Avec la disparitiondes abeilles, c’est 65 % des plantes agricoles qui sont menacées, soit 35 % de notre alimentation. Les cultures maraîchèreset fruitières dépendent par exemple à 90 voire 100 % des abeilles et déjà, les Etats-Unis ont dû importer massivement des abeilles d’Australie pour leurs vergers de pommes et leurs champs de myrtilles. 80 % des plantes à fleurs dépendent de ce type d’insectes pour leur reproduction et donc pour leur survie. Si elles venaient à disparaître, le changement serait tellement énorme qu’il est impossible d’en mesurer les conséquences pour l’environnement et pour l’homme. L’abeille est considérée et utilisée comme sentinelle de l’environnement dans de nombreuses recherches actuelles. Sa disparition traduit bien l’état de la planète en ce début de XXIe siècle. Quelles solutions aujourd’hui ? Malgré l’évidence que le modèle agricole actuel est le premier responsable de la disparition des populations de butineurs (organisation de l’espace, monoculture, produits phytosanitaires, stress intensif...), les solutions envisagées sont bien moins ambitieuses. On continue de rechercher des causes ponctuelles en étudiant les parasitoses et autres maladies, on met en place des espaces tampons sous forme de jachères fleuries (d’ailleurs parfois avec des espèces inadaptées à l’entomofaune sauvage) ou sous forme de corridors plus ou moins étendus, espérant ainsi préserver un stock suffisamment important de biodiversité pour faire face à des enjeux ultérieurs. Bref, des solutions qui risquent surtout de faire office de « rustines », le temps que d’autres dysfonctionnements majeurs apparaissent. Données diffusées sur le site du Ministère de la recherche www.sciences.gouv.fr
LA QUESTION DES HOMOLOGATIONS EUROPEENNES
_____________________________________________________ Tests abeilles Durant ces dernières semaines, lors de la révision de la directive sur les pesticides, la façon dont devraient être réalisés les tests abeilles a retenu toute l’attention des apiculteurs et a fait l’objet d’une négociation jusqu’aux dernières réunions entre les représentants du Conseil de ministre, de la Commission et du Parlement européen. Ce point est essentiel si l’on veut s’assurer qu’un nouveau produit phytosanitaire mis sur le marché ne présente pas ou peu de risque pour les abeilles. Il faut dire que les tests encore utilisés ont vu le jour voici 50 ans et n’ont pratiquement pas évolué. Pourtant, les produits phytosanitaires n’ont plus rien de commun avec ce que l’on connaissait à l’époque : toxicité beaucoup plus élevée, utilisation à des doses infimes, produit véhiculé dans toute la plante (systémique) et non plus pulvérisé… Les modalités de contact entre l’abeille et le toxique sont ainsi tout à fait différentes. D’un contact direct et unique avec le produit facilement détectable, on est de plus en plus souvent confronté avec la mise en contact répété de faibles doses que l’on ne peut pratiquement plus déceler. Spécificité des abeilles Contrairement à de nombreuses espèces d’insectes, tester la toxicité d’un produit pour des abeilles est très complexe car un toxique peut agir tant au niveau de l’insecte isolé que du fonctionnement de la colonie. On compare parfois une colonie d’abeilles à un individu pluricellulaire pour lequel chaque cellule correspond à une abeille. Dans une colonie, les mécanismes de reproduction, de transmission de l’information sont aussi importants, si pas plus, que la survie même des individus. Des erreurs de décodage des informations transmises par les phéromones peuvent être assimilées à des troubles hormonaux chez des mammifères. De même, si elles perdent leur capacité de nettoyage, elles sont alors à la merci de nombreuses maladies (virus, bactéries, champignons…). Les effets sur la mémoire des abeilles peuvent également arriver à des catastrophes (pertes des butineuses en vol…). Les tests actuels Pour l’instant, on classe les toxiques en vérifiant la dose de produit qu’une abeille doit ingérer en une fois ou avec laquelle elle entre en contact pour mourir. Si cette dose peut se trouver dans l’environnement, on met de petites colonies en tunnel et on vérifie pendant 15 jours si l’on observe des effets. Le plus souvent, on ne sait même pas la quantité de toxique réellement consommée par les abeilles. Si des effets significatifs sont signalés (par exemple plus de 30 % de mortalité du couvain), on teste alors le produit en champs. Là, les abeilles sont sensées aller butiner le champ traité (quelques ares d’une plante mellifère) pendant sa floraison et on suit l’évolution de la colonie sur une période qui était auparavant de près d’un mois. Certains tests aujourd’hui s’étalent sur plusieurs années. En règle générale, il est très rare que l’on estime avec précision l’exposition réelle au toxique et seul le critère de mortalité des colonies semble retenu. Les renouvellements de reines, la sensibilisation aux maladies… ne sont pas considérés comme des risques non acceptables. C’est le cas de tests en champs réalisés avec le Cruiser. Il est très difficile d’avoir accès aux données précises des tests réalisés et l’on ne peut bien souvent pas juger de l’exposition réelle des abeilles au toxique. Sans pouvoir prouver cette exposition et sans un suivi très précis de l’évolution des colonies qui tient compte d’effets n’entraînant pas spécialement la mort d’abeilles mais bien la dégénérescence de la colonie, on ne peut réellement juger de la toxicité réelle d’un produit. De plus, bien souvent, plusieurs produits sont présents dans l’enrobage de graines. La combinaison de ces différents produits devrait être testée vu qu’en fonction des matières actives présentes, les effets toxiques peuvent être très différents. Des évaluations incomplètes Il n’est pas surprenant que l’utilisation des molécules utilisées en traitement de semences ait été suspendue en Allemagne, en Italie et en Slovaquie suite à de très graves problèmes liés aux poussières émises par ces graines lors des semis. On peut parler de catastrophes écologiques. Ce risque n’avait simplement pas été évalué ! On peut également signaler les exsudations de plantes traitées comme le maïs qui en période de chaleur et de forte humidité qui contiennent des doses de toxiques capable de tuer sur le champ tout insecte dont les abeilles !
Evaluation des produits phytosanitaires et risques pour les abeilles Il est établi aujourd’hui que le seuil de toxicité varie selon que la substanceest administrée en doses répétées ou de façon continue ; il devrait êtretenu compte de ce fait lors des tests de toxicité chronique en calquantautant que possible le mode d’administration de la substance sur les conditions réelles de butinage en saison active ou de reprise des réserves par l’abeille en hiver.* La toxicité aiguë et chronique devrait être établie non seulement pour les différentes classes (de la nourrice à la butineuse) mais également pour les différentes castes d’abeilles (ouvrière, reine et mâles (viabilité desspermatozoïdes)) sur base de leurs modalités de mise en contact avec le produit, ceci afin d’établir la NOEC. Nous nous interrogeons sur la nature des « higher tier tests ». Les tests entunnel ou en champ , qui constituent actuellement les stades ultimes etdéterminants de l’évaluation, ne nous paraissent pas, dans leur formeactuelle, suffisants à cette fin (c’est à dire : pris à ce stade comme seulscritères d’innocuité du produit pour les abeilles). En effet, ils ne maîtrisent pasl’exposition aux matières toxiques , entre autres la consommation effectivedes matrices traitées. En outre, les tests en tunnel posent d’autres problèmes tels les effets sanitaires du confinement, susceptibles de se superposer à l’effet du traitement lors de tests de longue durée. Dans certains dossiers les ruches témoins se sont avérées contaminées avant les tests, rendant toute comparaison impossible. Enfin, de nombreux chercheurs ont reconnu la grande difficulté que présente la validation des tests en champs. Nous nous permettons d’insister sur l’importance de l’évaluation des effetssur les abeilles d’hiver en cas de consommation de réserves contaminées . En effet, les mortalités constatées dans les ruchers ont lieuprincipalement en hiver (ou fin d’hiver). Dans l’hypothèse où ces mortalités ont un lien avec l’utilisation d’insecticides systémiques, la contamination aurait lieu par cette voie et il importe donc de la tester avec soin. Enfin, il importe de prendre en considération l’hypothèse de synergiesentre les Produits Phytopharmaceutiques et les microorganismes pathogènes de l’abeille . On sait en effet que ce type de synergie fonctionnepour d’autres espèces d’arthropodes au point d’être utilisé en phytopharmacie. Des produits existent ou font l’objet de recherches, qui associent de faibles doses d’un insecticide, à un parasite de l’insecte à détruire. Parmi les insecticides cités dans ce type d’association figure l’imidaclopride ; parmi les parasites dont l’action est renforcée par la synergie figurent le Beauveria ou encore certainsNosema (genre dont deux espèces parasitent l’abeille)1. L’hypothèse est doncvraisemblable et devrait être testée dans le cadre de l’évaluation du risque pour les abeilles. 1 Source : intervention du Pr. Joe Cummins sur un forum de discussion ; l’auteur cite notamment les publicationssuivantes : Cuthbertson AG, Walters KF and Deppe C. Compatibility of the entomopathogenic fungusLecanicillium muscarium and insecticides for eradication of sweetpotato whitefly , Bemisia tabaci.Mycopathologia. 2005 Aug;160(1):35-41; Santos AV, de Oliveira BL and Samuels RI. Selection ofentomopathogenic fungi for use in combination with sub-lethal doses of imidacloprid: perspectives for the control of the leaf-cutting ant Atta sexdens rubropilosa Forel (Hymenoptera: Formicidae). Mycopathologia.2007 Apr;163(4):233-40; Lomer CJ, Bateman RP, Johnson DL, Langewald J and Thomas M. Biological control of locusts and grasshoppers . Annu Rev Entomol.2001; 46:667-702. |
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